La Tremblade-Ronce-les-Bains - N°115 - Décembre/Janvier 2012

Détresse amère pour la tour du Gardour

 

La demande des Phares & Balises d’un permis de démolir de la tour du Gardour a mis en émoi la commune et les habitants de La Tremblade. Retour sur l’histoire mouvementée de cet amer, souvent qualifié à tort de balise, si utile à la navigation dans l’estuaire de la Gironde depuis plus d’un siècle.

Repère fixe sur la côte, identifiable et identifié, l’amer est utilisé par les navigateurs pour se repérer d’assez près pendant le jour et ainsi reconnaître ou rectifier une position géographique. Il est au jour ce que le phare est à la nuit.

C’est dans la seconde moitié du xixe siècle qu’est construit un premier édifice sur la dune du Gardour, qualifié dans un premier temps de balise. Le choix de cette dune s’explique aisément par sa position géographique, le point le plus haut de la côte. M. Bouvier demande en 1873 à son supérieur, l’ingénieur des Ponts & Chaussées, «en quel bois devra être faite la porte d’entrée de la balise ? Sera-t-elle en chêne, en bois de sapin du nord ou en bois de pin maritime ? Elle devra avoir probablement loquet et serrure. Les lucarnes du sommet de la balise seront-elles munies de volets ?»

A ces questions, l’ingénieur précise que «la porte de la balise sera en sapin du nord avec loquet et serrure. Les lucarnes des quatre faces seront aveugles. Il n’y a pas de volets par suite à y fixer. […] C’est dans le fond de ces lucarnes aveugles que l’on étendra la couche de coltar ou de peinture noire qui figurera l’œil de pelote et le rendra apparent. Ces retraites doivent donc être ménagées vers l’extérieur de chaque face. On peut donner à ces lucarnes 1,50 m de diamètre au moins.» Les travaux semblent être réalisés dans la foulée. La carte d’état-major de 1887 indique l’emplacement de la tour du Gardour. La position géographique exacte de l’amer est de 45° 46’ 08»N de latitude et 1°12’ 46» W.Gr. de longitude.

Cette masse imposante en forme de fusée est remarquable par sa dimension, d’une hauteur de 16 mètres et facilement identifiable pendant le jour par le navigateur. Le dispositif semble donner satisfaction jusqu’en 1935, date à laquelle le port autonome de Bordeaux (PAB) souhaite qu’un voyant soit ajouté sur l’ouvrage du Gardour. Le directeur des Phares & Balises rappelle au directeur du port autonome que «cet ouvrage est dénommé improprement “balise” car il s’agit d’un amer, c’est-à-dire d’une construction qui n’a pas de sens défini dans le balisage et, par conséquent, ne doit pas revêtir les formes caractéristiques du balisage français. Il n’est donc pas expédient de le surmonter d’un voyant cylindrique. Il convient de recourir à une forme neutre qui, d’après les prévisions résultant des discussions internationales pour l’unification des caractères de la signalisation maritime, pourrait être une croix de Saint-André, ou un T, ou toute autre figure n’interférant pas ou ne pouvant pas se confondre avec les formes caractéristiques du balisage, c’est-à-dire essentiellement le cylindre, le cône, le double cône, la sphère.» Le port autonome de Bordeaux exécute à ses frais l’ensemble des travaux correspondant à l’ajout d’une croix de Saint-André en bois peint sur l’existant. Il adresse également les avis aux navigateurs annonçant la modification des caractéristiques de l’amer du Gardour. En 1939, l’entreprise R. Goulé de Ronce-les-Bains se charge de la réparation de la tour du Gardour et des travaux de blanchissage et de peinture.

De la pierre au fer

La Seconde Guerre mondiale va pourtant être fatale à la tour du Gardour car elle est trop visible et repérable pour les Allemands qui craignent un débarquement. Suite aux recommandations de la Seekommandant de Royan, l’amer est détruit à l’explosif au début de l’année 1945. Après guerre, le port autonome de Bordeaux écrit au directeur des Ponts & Chaussées en novembre 1947 pour lui faire part de son intérêt à une reconstruction rapide de l’amer détruit par les Allemands car «cet amer est de première importance tant pour la mise en place des bouées de balisage en aval de la Coubre que pour faciliter les opérations hydrographiques dans l’estuaire de la Gironde». Le PAB est prêt à contribuer pour la moitié de la dépense. Le port renouvelle sa demande en févier 1950 puisqu’aucune avancée n’est réalisée sur ce dossier, le manque de crédit étant la raison invoquée. Le mois suivant, la réédification de l’amer du Gardour est pourtant inscrite au projet de budget 1950 des Phares & Balises. Les Phares & Balises souhaitent alors utiliser pour l’amer du Gardour le pylône provisoire du feu du môle du port de Royan. Dans l’attente de sa disponibilité, le port autonome de Bordeaux érige en juin 1950 un amer provisoire en tubes «mills». Malheureusement le sort s’acharne sur l’amer puisqu’une tempête violente fait tomber au sol le 29 décembre 1951 le pylône provisoire. Le mois suivant, le directeur du port autonome de Bordeaux rappelle une nouvelle fois que «l’amer du Gardour est indispensable pour l’hydrographie et le balisage de la grande passe de l’Ouest».

En février 1952, la construction d’un pylône neuf est étudiée car le retard pris pour ériger la reconstruction de la tour du môle de Royan ne permettra pas la réutilisation du pylône convoité. L’étude est également accélérée par le service des Phares & Balises qui doit procéder à des essais d’utilisation du radioalignement de La Palmyre. Ces essais doivent être effectués par un bateau qui doit relever sa position avec précision par visées optiques sur divers repères à terre. «Cette opération serait facilitée si le capitaine du bateau pouvait effectuer des visées sur l’amer du Gardour qui a été détruit», rapporte le directeur du service.

Tout début juillet 1952, le nouveau pylône est construit par les ateliers Edward Galland, constructeur métallique dont le siège social se situe à Royan. Le devis nous renseigne sur la nature des travaux : «remettre en place l’amer en utilisant le plus possible ce qui reste. L’ossature sera constituée par 4 montants en tube qui formeront un carré de 4 mètres de coté et 12 mètres de haut, avec traverses et croisillons dans les deux sens, en tubes également disposés sur la hauteur. […] Sur face au large un T constitué par des lames de bois de 200 et des espaces de 100 sera fixé sur l’ossature par les fourrures bois sur colliers. […] Les lames de bois seront peintes en blanc et en noir.» La croix de Saint-André de l’ancien bâtiment est abandonnée au profit d’un T.

Depuis plus d’un demi-siècle, le second amer construit au Gardour en forme de pylône impose sa haute stature au-dessus de la dune et demeure un point remarquable pour les diverses petites embarcations. Aujourd’hui, il est menacé de destruction à cause des nouveaux équipements technologiques à bord des navires. On ne verra peut-être plus l’amer qu’on voit danser le long des golfes clairs. Mais ceci est une autre chanson...

 

Christophe Bertaud

 

 

 

Négociations en cours

Le 21 septembre dernier, le service des Phares & Balises a adressé un courrier à la mairie demandant l’autorisation de démolir «deux établissements de signalisation maritime jugés inutiles à la navigation : l’amer de Gardour et le feu du Mus du Loup».

Si la démolition de ce feu qui, en effet, ne sert plus à rien depuis des années, n’a pas ému les élus – Jean-Pierre Tallieu a juste demandé à pouvoir le récupérer pour l’installer dans le musée de Cordouan, ce qui lui a été refusé par les Phares & Balises – il n’en a pas été de même pour la tour de Gardour. 

«Cette tour, explique le maire, appartient au service des Phares & Balises mais est édifiée sur le territoire de l’Office national des forêts. Contrairement aux Phares & Balises, nous estimons que la tour est importante pour la navigation. En effet, même si les bateaux sont maintenant équipés de GPS, ces derniers peuvent tomber en panne. De plus, elle est culturellement importante.»

L’idée de la mairie aujourd’hui est de négocier avec les Phares & Balises pour restaurer la tour. Quelques ferraillages et planches en bois doivent être changés. Les Phares & Balises ne semblent pas avoir les moyens financiers pour le faire. La mairie pourrait donc intervenir mais elle doit avant toute chose obtenir l’autorisation de l’ONF. «Or, les rapports avec ce service ne sont pas toujours au beau fixe. Je ne suis pas très optimiste, avoue le maire. Ce qui est dommage, c’est que l’on décide de détruire un pan de l’histoire maritime sans réfléchir.»

 

Commentaires des internautes
Trucbidule - le 09/03/2020 à 19:26
Détruire un objet inanimé devenu obsolete , inutile et potentiellement dangereux pour les êtres vivants passant par là c est un bon prétexte employe par certaines personnes justifiant leur
Existence et foncion pour faire table rase du passé et réviser l histoire, la petite et la grande, un jour viendra ou ces personnes deviendront elles aussi considérées inutiles mais elles auront agit en bon petit diable . Ou sont passés nos racines ?
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