Nature - N°169 - Décembre/Janvier 2020

La pholade et le mystère des trous

Mais qui s’amuse à trouer méthodiquement nos rochers ? Plusieurs organismes marins (vers, éponges, coquillages) savent percer le calcaire pour s’abriter ou s’accrocher. Mais seule la pholade, un coquillage, est capable de réaliser des galeries aussi régulières qu’on les croirait faites par des outils humains.

La pholade est un bivalve original : il lui est impossible de se refermer entièrement car ses valves sont incomplètes. On dit qu’elle est bâillante. Elle doit donc s’abriter, et elle a choisi de s’enfouir dans la roche. Au moins elle est sûre d’être tranquille... Encore faut-il faire son trou. Son arme, c’est une coquille râpeuse, ornée de petites aspérités. Cette coquille est faite d’une variété de calcaire légèrement plus solide que le calcaire des couches géologiques (mais elle ne pourra jamais percer le granite !). Elle gratte la roche en écartant ses valves et en bougeant légèrement, prenant appui sur son pied musclé.

En se rétractant, elle a la place pour bouger, tourner et recommencer à limer. Le courant d’eau évacue ensuite les poussières et perfectionne la galerie, qui grandit de quelques millimètres par mois. La pholade passera toute sa vie dans son terrier de pierre, de bois, de tourbe ou de grès. Sa croissance est d’environ un centimètre par an ; certains individus peuvent atteindre douze centimètres de long, plus rarement quinze.

Un architecte apprécié

La forme de sa coquille lui a valu son nom scientifique, Pholas dactylus. En grec, pholad signifie écaille, et dactylos le doigt. Une fois mort, le coquillage se dégrade mais le trou reste. Il sera bien vite occupé par des animaux marins qui ont besoin aussi de se cacher mais qui ne savent pas percer : on y trouve des vers, des petits crustacés, des poissons... Ainsi, la pholade participe à la diversité biologique de nos estrans calcaires.

Une espèce protégée

La pholade est protégée depuis 1996, pour deux raisons : son importance pour l’écosystème puisqu’elle crée des abris, et le fait qu’on ne peut la capturer qu’en détruisant les rochers d’estran, ce qui est désormais interdit.

Jadis pêchée (Pline l’Ancien, écrivain romain du Ier siècle, en faisait déjà la promotion !), elle était appréciée sur Oléron où on l’appelait le « daïl » ou « daille » en patois. Les plus poètes la surnomment « ailes d’ange ».

La prochaine fois que vous trouverez une belle pierre percée sur la plage, n’oubliez pas cette histoire !


Eclairage nocturne

Chose étonnante, la pholade est capable de produire une lumière bleu-vert. Ce phénomène est dû à une protéine, la luciférine, fabriquée par le coquillage. Au contact de l’oxygène dissout dans

l’eau, cette protéine devient instable et produit cette lumière étrange. D’après certains chercheurs, cette faculté lui permettrait d’attirer la nuit le plancton dont l’animal se nourrit.

Car, en effet, les pholades ne mangent pas la pierre ! Elles possèdent de longs siphons qui dépassent de la galerie, pour glaner dans l’eau de mer l’oxygène et le plancton en suspension.


Pour en savoir plus :

L’incontournable fiche Doris : https://doris.ffessm.fr/Especes/Pholas-dactylus-Pholade-1430

Une fiche « Astrosurf » : www.astrosurf.com/pablanchard/Encyclo/PHOLADES.pdf

Livre Le musée vivant du bord de mer, de Sonia Dourlot, éd. Delachaux & Niestlé, 2014


Cette fiche est réalisée par CPIE Marennes-Oléron 

05 46 47 61 85 - 111 route du Douhet - 17840 La Brée-les-Bains - www.iodde.org

Avec le soutien de naturalistes de Marennes-Oléron

 

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