Histoire - N°129 - Avril/Mai 2014

Lorsque les circonstances font les maires... (2)

2014 est une année d’élection municipale et les électeurs de Royan ont été appelés à élire ou réélire leur maire. Dans l’histoire de la ville, plusieurs maires ne se sont jamais présentés comme tête de liste. Certains d’entre eux n’avaient même pas imaginé le devenir. Mais les circonstances en ont décidé autrement. Ils ont accédé à la fonction de premier magistrat suite au décès du maire ou bien suite à sa démission sans oublier la parenthèse particulière de l’occupation allemande.

Les troupes d’occupation allemande s’installent en juin 1940 à Royan. La Standortkommandantur qui est la base de l’administration militaire dans les villes principales s’organise. Rémy Houssin, qui parle allemand, est chargé des relations avec elle pour Royan. Le maire en place, Georges Vaucheret, se retire en septembre 1940, usé par les tensions de l’affaire des otages suite au décès d’une sentinelle allemande dans la ville à la mi-août. Il est remplacé par Rémy Houssin en tant que président d’une délégation spéciale. Dans son appel aux Royannais publié dans le Journal de Royan, il rend hommage à son prédécesseur et déclare : «Mes chers amis, devant les heures sombres et douloureuses du proche et angoissant avenir, j’accepte pour notre petite Patrie la tâche amère que me trace le destin. Mon dévouement n’aura pour elle que les limites même de mes forces, et autant que par le passé, vous me trouverez toujours pour vous défendre sous le signe du cœur et de la raison. Mais je vous demande, mes chers amis, par votre union fraternelle, votre calme et dignité vous serrant près de moi et de mes collaborateurs, de donner à chacun et à tous, l’exemple des hautes vertus de notre race. Que chacun accomplisse son devoir, tout son devoir, je ne faillirai pas au mien.»

Le gouvernement, dirigé par le maréchal Pétain, décide, le 16 novembre 1940, que les maires seront nommés dans les communes de plus de 2 000 habitants et qu’ils choisiront eux-mêmes leurs conseillers municipaux. En février 1941 le conseil municipal de 20 membres est nommé par Vichy et Houssin devient officiellement maire «en remplacement de Métadier», le dernier maire élu lors des dernières élections en 1935. Le nouveau maire est favorable au maréchal Pétain, chef de l’Etat Français. En mai lors de la question du lait durant laquelle Royan se trouve privée de lait à cause d’intérêts particuliers d’une coopérative laitière, Rémy Houssin démissionne de sa charge pour améliorer la situation. La population reconnaissante se mobilise par l’intermédiaire d’une pétition. Rémy Houssin est reconduit comme maire en juin. Un an après, le 9 juillet 1942, il démissionne de nouveau, «devant les agissements de monsieur le sous-préfet de Rochefort, tendant, et depuis son entrée en fonction, à me rendre impossible la tâche déjà si lourde de l’administration de la cité, ayant toujours suivi strictement les directives du maréchal, reçues de sa bouche même, directives reprises par le président Laval dans son œuvre de rénovation et d’union et regrettant vivement d’ajouter encore à la série de démissions dans notre arrondissement, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir me considérer, dès maintenant, comme démissionnaire.» Conflits entre personnes, le Journal de Royan admet néanmoins que «ce n’est point une sinécure que d’être maire en l’an de grâce 1942 !» La démission est refusée et Houssin reste à la tête de la commune jusqu’en février 1943, date à laquelle le ministre de l’Intérieur annonce une réorganisation administrative française et ne maintiendra «à la direction des affaires municipales que les magistrats municipaux qui apportent leur adhésion à la politique du gouvernement et un concours loyal à la cause du redressement national». Le journal royannais explique qu’«ainsi se poursuit l’effort d’épuration qui, depuis deux ans, a conduit le gouvernement à dissoudre 2 000 assemblées municipales, et à révoquer ou démissionner d’office près de 800 maires ou adjoints». Rémy Housin démissionne une troisième fois, pour de bon. Le gouvernement nomme début juin une délégation spéciale de cinq membres présidée par le colonel Roquette qui porte le titre de maire. Cette délégation comprend en outre Marcel Lanteirès, adjoint, et le capitaine Charles-Henri de Mesmay, responsable de la garde civique. Ces deux derniers succèdent respectivement en 1944 et 1945 au colonel Rouquette à la tête de la délégation spéciale en qualité de maire.

A la Libération en 1945, Yves Domecq devient le premier maire du Royan libéré puis laisse sa place lors des élections la même année à Charles Regazzoni qui est réélu en 1947. Les maires se succèdent à chaque élection, Max Brusset (1953 -1959), l’amiral Meyer (1959 -1965) jusqu’à ce que Jean-Noël de Lipkowski enchaîne deux mandats en 1965 et 1971. En 1977, alors qu’il envisageait un troisième mandat, de Lipkowski (RPR) est battu par Guy Tétard (UDF), son ancien premier adjoint, conseiller municipal depuis 1965 sur la liste menée par l’ancien maire. Le 31 mars 1979, Guy Tétard démissionne de son poste de maire officiellement provoquée par le report du vote du budget renvoyé devant la commission des Finances, deux ans après avoir battu de Lipkowski. Mais en réalité, Guy Tétard est inculpé depuis le 8 février d’usage de faux et de délit d’ingérence dans certains marchés traités au sein du Sivom de la presqu’île d’Arvert dont il était le vice-président. Isolé au sein de sa propre majorité, ses huit adjoints lui trouvent «une porte de sortie honorable» selon l’expression employée par un d’entre eux. L’élection de la nouvelle équipe municipale est fixée au 7 avril. Il est alors convenu que le premier adjoint de Guy Tétard, maître Abel Dufour, devienne le prochain maire. Ce dernier n’étant pas candidat, le choix de la majorité se porte sur Pierre Lis qui est élu maire contre l’opposant de gauche M. Papeau. A l’occasion du premier conseil municipal qu’il a à présider, Pierre Lis déclare : «Autre maire, autre manière.» Pierre Lis jouit d’une aura importante auprès de la population royannaise. Né au Cambodge, élevé à L’Eguille-sur-Mer, il devient instituteur et se distingue durant la Seconde Guerre mondiale. Mobilisé en 1939, fait prisonnier, il est rapatrié sanitaire en 1942 avant de s’engager activement dans la Résistance dans le groupe Honneur et Patrie. Au sortir de la guerre, son action au sein des anciens combattants le mène à la direction du cabinet de Tanguy Prigent, alors ministre des Anciens combattants du gouvernement de Guy Mollet en 1953. Militant de la SFIO de 1933 à 1947, son action politique s’inscrit dans l’indépendance des partis politiques. Il est battu aux législatives de 1958 et 1962 avant d’être élu conseiller municipal en 1977. Jean-Noël de Lipkowski retrouve son siège de maire aux élections suivantes en 1983.

Plus récemment, Philippe Most, maire de Royan en 1989, réélu en 1995 et 2001, abandonne pour des raisons de santé sa fonction de maire le 15 mai 2006 à son ami et premier adjoint, Henri Le Gueut. Deux ans après avoir assuré l’intérim, celui-ci s’efface au profit de Didier Quentin pour devenir son premier adjoint, puis son rival sur une liste d’opposition lors des élections municipales partielles de 2010. Philippe Most, absent depuis huit ans, a tenté de reconquérir la mairie lors des dernières élections municipales de mars dernier.

Si, depuis la Seconde Guerre mondiale, deux maires ont démissionné pour différentes raisons, on serait enclin à penser que des démissions volontaires devraient se développer dans l’avenir. En effet, les dernières élections de mars ont montré une nouvelle pratique de plus en plus répandue. Un maire au pouvoir depuis de longues années est aujourd’hui tenté, pour ne pas faire perdre sa majorité, de se représenter comme tête de liste tout en annonçant qu’il n’irait pas au bout de son mandat et qu’il ferait une sorte de compagnonnage pour préparer son successeur. Cependant les résultats du premier tour du scrutin ont montré que les électeurs n’appréciaient pas trop cette méthode. Jusqu’à preuve du contraire, les électeurs sont toujours maîtres de leur voix.

Photo : Pierre Lis (DR)

Christophe Bertaud

 

 

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