Histoire - N°133 - Décembre/Janvier 2014

La Grande Guerre dessinée par Henri Camus

Début novembre, Saint-Georges-de-Didonne a rendu hommage à un de ses poilus, Henri Camus, lors d’une exposition organisée par Emilie Bouffard dans la maison natale de l’auteur. Les dessins d’Henri Camus, au plus près des soldats, témoignent de la réalité et de l’atrocité des combats de 14-18.

Né à Saint-Georges-de-Didonne en octobre 1893 dans une famille bourgeoise locale, Henri Camus souhaite suivre la trace familiale de son père médecin, le docteur Arnaud Camus. A vingt ans, il commence ses études de médecine à Santé Navale de Bordeaux. Lors de la mobilisation générale d’août 1914, il rejoint le 15 août la réserve du personnel sanitaire de la 4e armée. Sa fiche de matricule militaire nous permet de suivre l’itinéraire du soldat Camus. Dirigé d’abord sur une ambulance, il est évacué en décembre 1915 suite à une bronchite. Le sens du mot ambulance désigne ici une unité médico-chirurgicale qui existe au niveau du corps d’armée. Ce n’est qu’en janvier 1917 qu’il quitte le personnel sanitaire pour rejoindre le 139e régiment d’infanterie puis, en mai 1917, le 65e régiment d’infanterie en renfort avec lequel il va connaître de durs combats. Dès le 10 août 1917, il est nommé caporal au sein de son nouveau régiment. Jusqu’à la fin du conflit, il enchaîne les périodes de front, les actes de bravoure mais aussi maladies et blessures. Henri Camus est cité à l’ordre de la Division le 19 septembre 1917, «caporal grenadier a entraîné magnifiquement ses hommes à la contre-attaque du 24 août 1917 et a réussi à rejeter l’ennemi d’une position de tranchée où il avait pris pied».

Le seul rayon de soleil dans cette période obscure, il l’obtient lors d’une permission à Saint-Georges-de-Didonne le 10 septembre 1917 lorsqu’il épouse Marguerite «Daisy» Haviland, d’une célèbre famille de porcelainiers de Limoges qui possède sa villa de vacances à Saint-Georges.

De retour au front, il prend part à la terrible et meurtrière offensive de La Malmaison sur le Chemin des Dames. Il est évacué deux fois vers une ambulance en novembre 1917 puis en avril 1918. Intoxiqué au gaz à Reims le 10 avril 1918, il réincorpore son régiment début mai avant d’être de nouveau blessé le 29 mai à Bezannes, au sud de Reims, par des éclats d’obus à la main droite. Il réintègre le 65e régiment d’infanterie à la mi-août. Il est une dernière fois blessé le 19 octobre 1918 avec des plaies légères aux deux fesses par des éclats d’obus.

Après l’armistice de novembre 1918, il est cité une nouvelle fois le 28 novembre à l’ordre du Régiment comme «chef de pièce consciencieux et brave (qui) s’est fait remarquer par son mépris du danger au cours des opérations allemandes à l’est de Vouziers». Il est alors en convalescence chez lui à Noël 1918, convalescence repoussée jusqu’au 19 février 1919. En mars, il est déclaré inapte pour deux mois par la commission de réforme pour «cuisse traversée par éclats d’obus, gêne de la marche». Il n’est enfin démobilisé que le 2 septembre 1919.

Henri Camus se trouve souvent en première ligne dans les tranchées et est le témoin des souffrances des poilus mais aussi de leurs héroïques courages. Il a vécu les deux dernières années de la guerre au sein d’un régiment qui s’est distingué sur les différents théâtres d’opérations comme en témoigne sur son drapeau la croix de guerre à quatre palmes et trois étoiles d’or ainsi que la fourragère aux couleurs de la médaille militaire. Membre de ce régiment d’élite, il reçoit plus tard la médaille militaire en 1929 et la Légion d’honneur en 1961.

Pendant la durée de la guerre, les soldats passent leur temps à écrire à leurs proches ou à tenir leur carnet de guerre. Henri Camus, lui, dessine. C’est sa passion. Il dessine depuis son plus jeune âge. A 7 ans, il croque avec un certain talent hommes, animaux et atmosphère. Mobilisé, il va griffonner dès qu’il a le temps quelques centaines de croquis sur ses carnets.

La qualité de ses dessins est vite reconnue puisque certains sont exposés en 1916 au Salon des armées au jardin des Tuileries. Le journal Le Temps dans la rubrique Art et curiosités du vendredi 22 décembre 1916 rend compte de l’événement : «Ainsi se présente au public le Salon des armées. […] On y voit de tout : des peintures, des aquarelles, des dessins, des croquis au crayon ou à la plume, des gravures, des sculptures, des reproductions en plâtre ou en carton des cagnas souterraines, des bijoux en aluminium, des cartouches boches, des ogives de 75 ou 77 et des obus à ailettes transformés et affectés à la destination pacifique de briquets, d’encriers, de candélabres et de services pour fumeurs, des violons de tranchées.» On peut apercevoir quelques dessins d’Henri Camus. «Des impressions de nature recueillies en Champagne par le docteur Camus et qui attestent une jolie nature d’artiste» que le critique Thiébault-Sisson remarque au milieu de ces 3 000 pièces présentées.

Isabelle Cousteil consacre un article à l’artiste Camus dans la revue Les Gueules Cassées (n° 330) ; «Dès qu’il peut, Henri extrait de son barda souvent trempé ses carnets, sa plume, son encre, sa mine. Malgré les doigts gourds, il croque sur le vif, à vif, à traits puissants qui disent déjà tout : la surprise d’un obus, la tension d’une attaque, les efforts surhumains pour tirer les chevaux hors de la boue, la morsure du froid, la désolation du paysage, le désarroi après la mort d’un copain. A l’abri, malgré la boue et la promiscuité, il reprend ses croquis, les détaille, les rehausse de couleurs.» Les dessins des carnets d’Henry Camus, de son nom d’artiste, appartiennent aujourd’hui à la bibliothèque de documentation internationale contemporaine située dans l’hôtel national des Invalides, après une donation familiale en 2008.

Après la guerre, Henri Camus délaisse la médecine pour devenir planteur d’hévéas en Malaisie avec son épouse en 1920 aux côtés de son ami charentais, Henri Fauconnier. De retour en France, en 1922, il revient définitivement, à la retraite, s’installer dans sa maison natale du 56, rue de la République à Saint-Georges-de-Didonne, en 1959, où il dessinera jusqu’à ses derniers jours à l’âge de 96 ans.  La Grande Guerre ainsi que son passage en Malaisie auront marqué de façon indélébile cet artiste qui ne dessinera dès lors que des paysages ou des animaux.

Christophe Bertaud

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